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High–Speed AFM, la ”caméra” du monde nanométrique

Par David Carriou - Le 3 décembre 2013

Cet article fait suite à celui sur les bases de la Microscopie à Force Atomique (AFM) pour l’étude de complexes Biologiques. Cette fois ci, il sera question des dernières innovations en matière de microscopie à sonde locale.

Tout d’abord, on peut se demander :  Quel est le verrou technologique, rendant très difficile l’observation d’entités biologique en temps réel, de la Microscopie à Force Atomique?

La première tentative permettant de combiner la résolution et la vitesse de balayage à l’aide d’un microscope à force atomique date de 1991[1]. Les premiers scanners à balayage rapide sont apparus en 1995, suivis par l’apparition de leviers miniaturisés en 1996 (passant de 23 µm à 12 µm)[2]. Les années suivantes, ces innovations ont permis d’imager de l’ADN en 1,7s[3] ou encore la formation et la dissociation du complexe GroEL – GroES[4]. Outre le verrou technologique provenant de la conception mécanique, il demeure toujours celui de l’électronique. En effet, même s’il existe des actionneurs piézoélectriques avec de hautes fréquences de coupure permettant des balayages rapide, la bande passante des électroniques restait limité au kHz.

Ainsi, en 2001[5] et en 2002[6], les nouvelles études présentent le développement d’un scanner à haute vitesse muni d’une électronique rapide. L’observation de myosine V a été obtenue à douze images par seconde avec un balayage de 240 nm. Ceci fut le premier pas vers la microscopie à force atomique à haute vitesse appliquée aux complexes biologiques[7].

La conception mécanique du microscope HS-AFM est différente de celle du microscope AFM commercial décrit précédemment. La configuration est inversée et l’échantillon se déplace au-dessus d’un ensemble levier-pointe. Le déplacement du spot laser sur le levier est proportionnel à la déviation angulaire du levier.

 

L’intégralité du système de détection optique est intégré dans une structure en acier inoxydable (SUS 303) afin de limiter au maximum les dérives mécaniques.

La conception optique découle de la conception des scanners : en effet, deux types de scanners ont été développés par l’équipe du Pr. Ando de l’université de Kanazawa, l’un avec un balayage maximum de 800 nm et l’autre de balayage maximum 5 à 30 µm.

 

Le découplage des trois axes x, y et z permet d’utiliser des actionneurs multicouches permettant d’augmenter la bande passante et d’atteindre des fréquences de coupure de 300 kHz. Ils ont pour avantage de posséder des déplacements d’une précision sub-atomique avec des déplacements pouvant aller jusqu’au millimètre. De plus l’ensemble levier-pointe est l’élément crucial pour l’imagerie à force atomique. En effet, les dimensions et qualités des leviers ainsi que leurs pointes associées sont des paramètres primordiaux.

Les complexes biologiques sont fortement dynamiques. Leurs fonctions résultent des changements structurels et des interactions dynamiques avec d’autres molécules. Pour exemple, les protéines motrices transportent les macromolécules jusqu’à leur destination, elles sont appelées protéines cargos[8]. Le cytosquelette des cellules subit des cycles de polymérisation – dépolymérisation sous l’action de facteurs de régulation[9]. Le comportement de la myosine V se déplaçant le long des filaments d’actine est principalement étudié par microscopie optique. Ainsi, on a pu découvrir l’utilité de l’ATP dans le déplacement ; la myosine demeure cependant invisible par cette voie d’observation et a donc été visualisée en microscopie électronique dans un état figé. L’investigation au microscope à force atomique à haute vitesse a permis de visualiser le déplacement de la myosine sur l’actine et a donc prouvé les spéculations concernant le mouvement de cette protéine[10].

Déplacement de la Myosine V sur un filament d’actine au HS-AFM.

Une étude au microscope à force atomique à haute vitesse a été menée sur la bacteriorhodopsine afin de visualiser ces changements de conformation. Lors de son illumination, une partie cytoplasmique de chaque monomère la composant est mise en contact avec des trimères adjacents[12].

La F1F0 ATPase, est une enzyme liée au métabolisme énergétique et hydrolysent ou synthétisent l’ATP tout en transférant des ions d’un côté à l’autre de la membrane. L’étude du mouvement de chaque domaine est cruciale pour la compréhension des interactions avec l’ATP[13-14].

Ces résultats confirment que la visualisation à haute vitesse est une approche puissante pour étudier des processus biomoléculaires rapides dans des conditions réalistes.

 

La recherche Française n’est pas en reste puisque le HS-AFM est utilisé et en constant développement dans trois laboratoires Français, l’équipe du Pr Eric Lesniewska de l’Institut Carnot de Bourgogne à Dijon, l’équipe du Dr. Pierre-Emmanuel Milhiet du CBS de Montpellier et l’équipe du Dr. Simon Scheuring de l’Inserm U1006 à Marseille.

Sources

 [1] Gould S., Molecular resolution images of amino acid crystals with the atomic force microscope, Nature Publishing Group, London, ROYAUME-UNI, 1988.

[2] Lin J.N., Drake B., Lea A.S., Hansma P.K., Anadrade J.D., Direct observation of immunoglobulin adsorption dynamics using the atomic force microscope, American Chemical Society, Washington, DC, ETATS-UNIS, 1990.

[3] Zhong Q., Inniss D., Kjoller K., Elings V.B., Fractured polymer/silica fiber surface studied by tapping mode atomic force microscopy, Elsevier, Kidlington, ROYAUME-UNI, 1993.

[4] Putman C.A.J., Viscoelasticity of living cells allows high resolution imaging by tapping mode atomic force microscopy, Cell Press, Cambridge, MA, ETATS-UNIS, 1994.

[5] Moller C., Allen M., Ellings V., Engel A., Muller D.J., Tapping-mode atomic force microscopy produces faithful high-resolution images of protein surfaces, Cell Press, Cambridge, MA, ETATS-UNIS, 1999.

[6] Bezanilla M., Drake B., Nudler E., Motion and enzymatic degradation of DNA in the atomic force microscope, Cell Press, Cambridge, MA, ETATS-UNIS, 1994.

[7] Schabert F.A., Henn C., Engel A., Native Escherichia coli OmpF porin surfaces probed by atomic force microscopy, American Association for the Advancement of Science, Washington, DC, ETATS-UNIS, 1995.

[8] M. Benoit, D. Gabriel, G. Gerisch, H.E. Gaub, Discrete interactions in cell adhesion measured by single-molecule force spectroscopy, Nat Cell Biol 2 (2000) 313-317.

[9] E.P. Wojcikiewicz, X. Zhang, A. Chen, V.T. Moy, Contributions of molecular binding events and cellular compliance to the modulation of leukocyte adhesion, J Cell Sci (2003) jcs.00465.

[10] A. Berthier, C. Elie-Caille, E. Lesniewska, R. Delage-Mourroux, W. Boireau, Label-free sensing and atomic force spectroscopy for the characterization of protein–DNA and protein–protein interactions: application to estrogen receptors, Journal of Molecular Recognition 24 (2011) 429-435.

[11] D. Tománek, G. Overney, H. Miyazaki, S.D. Mahanti, H.J. Güntherodt, Theory for the Atomic Force Microscopy of Deformable Surfaces, Physical Review Letters 63 (1989) 876-879.

[12] Pittenger E.N., Quantitative Mechanical Property Mapping at the Nanoscale with PeakForce QNM, Metrology & Instrumentation Group, Veeco Instruments (2010).

[13] T. Ando, High-speed atomic force microscopy of protein dynamics: myosin on actin and rotary enzyme F1-ATPase, Microscopy & Analysis 27(3):10-13 (2013).

[14] T. Uchihashi, R. Iino, T. Ando, and H. Noji, High-speed atomic force microscopy reveals rotary catalysis of rotorless F1-ATPase, Science 333, 755-758 (2011).

Sources

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