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Les limites de la Science

Par Arsène Kanyamibwa - Le 27 juin 2020

“Non seulement il est important de poser des questions et de trouver les réponses, mais en tant que scientifique, je me suis senti obligé de communiquer au monde ce que nous apprenions » – Stephen Hawking

En 2017, Pierre Chirsen, l’un des fondateurs d’Indésciences déclarait, en essayant de définir la vulgarisation, “C’est un terme que l’on a longtemps été frileux d’utiliser. On essaie d’ailleurs d’éviter de l’utiliser parce que ça ne correspond pas vraiment à ce que l’on veut transmettre. La recherche peut être « vulgaire ». La recherche s’adresse à tout le monde, c’est un fait. Parfois, il faut juste aménager un peu le discours pour que cette recherche s’adresse à tout le monde. Ce n’est pas une volonté de rendre quelque chose d’extra ludique en le décrédibilisant. On veut rester sur une rigueur scientifique à laquelle on est très attaché. Rendre le discours scientifique accessible en gardant la rigueur, c’est ce que l’on cherche à faire” (Vulgariser sans vulgarité, 2017). J’ose imaginer que cette phrase résume parfaitement le souhait des magazines, des blogs, des émissions télés et radios et enfin des organisateurs de conférences et de tous les acteurs de médiation scientifique.

Transmettre avec précision l’information requise à partir du travail des chercheurs 

Seulement, aujourd’hui plus que jamais, il y a un manque de compréhension de la science et de connaissances épistémiques à son sujet (Scheufele, 2013; Scheufele & Krause, 2019). Cette incompréhension se traduit notamment par la façon dont le public perçoit l’incertitude scientifique, les techniques de promotion des médias et l’écart entre ce que dit la recherche et ce que le public entend (National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine, 2017, Chapter 3; Scheufele & Krause, 2019; Schmidt, 2009) ainsi que par la multiplication des sources et des organisations engagées (Bubela et al., 2009). Tout ceci montre que d’atteindre l’objectif final de l’éducation civique (Schmidt, 2009) n’est pas une tâche facile. Le danger et l’explosion des “fake news” ont même poussé les chercheurs à étudier le phénomène à un rythme accéléré depuis 2016 (Alonso García et al., 2020). Par ailleurs, des recherches ont prouvé qu’une communication insuffisante entre la sphère scientifique et le public peut nuire considérablement aux débats sociaux et politiques (Bubela et al., 2009; National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine, 2017, Chapter 3; Scheufele, 2013; Scheufele & Krause, 2019; Schmidt, 2009). Cela peut même entraîner une augmentation de la prévalence de certaines pathologies comme le cancer (Johnson et al., 2018). Nous partons peut-être du principe que la bonne pratique de la vulgarisation scientifique, l’éducation ainsi que sa qualité et son développement reposent uniquement sur des personnes formées en sciences. Lorsque nous voyons les progrès quotidiens réalisés chaque année tout autour de nous, cela nous laisse croire, souvent à tort, que si les scientifiques gardent cette passion, cette persévérance et ce dévouement, c’est parce qu’ils sont sans défaut et, par extension, la science l’est aussi. 

Dans cet article, je présenterai quelques éléments qui limitent la diffusion légitime de la science auprès du grand public et proposerai brièvement quelques pistes pour que nous puissions les dissiper.

Limites de l’étude

Le moyen privilégié pour communiquer les progrès de la science ou de la technologie est la rédaction d’articles scientifiques (Crookes, 1986; Peterson, 1961). Initialement créés pour diffuser les découvertes scientifiques entre les chercheurs, ils se sont ouverts au public et constituent aujourd’hui une source d’information majeure, réfutable et doté d’un impact considérable sur nos prises de décision dans tous les aspects de la vie (Hoogenboom & Manske, 2012; Nahata, 2008). Par conséquent, pour limiter la confusion, ils ont une forme très rigide et des lignes directrices spécifiques à chaque éditeur qu’il faut respecter (Bates College, 2011; Hoogenboom & Manske, 2012; Kenyon College, n.d.; Mack, 2018; Nahata, 2008). Tout d’abord l’abstract, un résumé général du projet de recherche, puis l’introduction, qui permet d’établir le contexte et préciser l’objectif de l’étude. Ensuite, le matériel et méthodes permet d’expliquer en détails la façon dont l’étude a été réalisée, les résultats, qui présentent objectivement les fruits des expériences effectuées. Ensuite, la discussion pour interpréter les résultats et les remettre dans le contexte général. Au final, la conclusion pour  retracer les résultats et leur pertinence, proposer des futures directions suivie des références utilisées. Afin d’éviter toute mauvaise interprétation, il est primordial, dans chaque étude, de clarifier l’importance de la contribution à la science et surtout ses limites, afin d’assurer une transparence totale, sans nuire à la recherche. Pour cela, il y a un paragraphe très important dans la partie discussion que les scientifiques peuvent parfois être un peu réticents à partager (“How To Present Study Limitations and Alternatives” 2018; Puhan et al., 2012; Ross & Bibler Zaidi, 2019; ter Riet et al., 2013; Tigre Moura, 2017). Cette section intitulée « Limites de l’étude » fait référence à tout aspect qui entrave une étude et ses résultats (Ross & Bibler Zaidi, 2019; Tigre Moura, 2017). Regrettablement, une étude sur la recherche biomédicale publiée en 2007 montrait que seulement 17% exposent les limites de leur étude (Ioannidis, 2007). Mais, comme évoqué par le Dr. Puhan et ses collaborateurs : “nous avons besoin de scientifiques qui comprennent et notent le potentiel d’une discussion franche et impartiale sur les limites des études et que les revues reconnaissent et acceptent de tels manuscrits” (Puhan et al., 2012).

Simplification excessive

En outre, les étudiants en formation scientifique sont les premiers à le savoir : quand il s’agit d’écrire un article ou de présenter leur travail à la fin d’un stage, ou même pendant leur cursus, ils doivent être précis et extrêmement rigoureux. Cette exigence est parfaitement utile et nécessaire pour la communication et le progrès de la science entre les chercheurs, mais comment appliquer cette rigueur à la communication auprès du grand public ? Un scientifique se doit de réussir à condenser, simplifier ou autrement dit vulgariser son discours pour pouvoir faire passer le message. Il doit supprimer tous les termes techniques de son discours pour non seulement se faire comprendre, mais également  maintenir l’attention du public (Alley, 2014). L’introduction des magazines et des émissions de télévision en charge de vulgariser la science a permis de faciliter la tâche de nombreux chercheurs et de rendre la science plus accessible en augmentant sa diffusion. Malgré cela, condenser des travaux de plusieurs mois ou un article d’une dizaine de pages représente souvent un très grand risque : la simplification excessive (Doumont, 2010; Schmidt, 2009). Depuis quelques années, certaines formations scientifiques en France ont intégré des cours de communication et exigent que leurs étudiants pratiquent assez régulièrement cette compétence. Mais encore une fois, il s’agit d’un enseignement qui a été introduit récemment dans les cursus scientifiques. La plupart des personnes qui arrivent réellement à transmettre avec succès les progrès scientifiques sont des personnes qui n’ont pas eu ce genre de formation mais qui ont su exploiter des opportunités en dehors de leur cursus habituel. Ces personnes ont souvent fait preuve de créativité et leur passion les a poussées à se lancer dans la vulgarisation, tels les vulgarisateurs Dr. Elodie Chabrol, directrice de Pint of Science France, ou Dr. Sébastien Carassou, ou encore nombre de scientifiques sur des plateformes comme le “Café Des Sciences”. 

De plus, certains journalistes sont formés en médiation scientifique. Le fait d’enseigner comment écrire et communiquer avec éloquence la science au public est une idée qui a permis d’augmenter considérablement la visibilité et les financements des projets de recherche. Malgré cela, à quelques exceptions près, un journaliste n’est pas un scientifique et un scientifique n’est pas un journaliste. Les chercheurs sont certainement très reconnaissants envers les magazines et journaux qui sont dédiés à la vulgarisation. Néanmoins, comme dit précédemment, l’écriture des articles originaux suit des règles inflexibles et, par conséquent, offre une version très différente de celle d’une rubrique des médias. Pour les personnes formées en sciences techniques, la lecture d’une telle rubrique peut parfois créer des doutes par rapport à l’ampleur ou les conséquences de la recherche mentionnée. C’est à ce moment là qu’une vérification de l’article original peut permettre de constater un manque de précision ou une simplification excessive du bilan. Cependant, ce problème peut être résolu par une coopération efficace entre les deux parties. Le journaliste doit communiquer régulièrement avec le scientifique et lui soumettre l’article avant la publication pour avoir l’accord sur la dernière version. Et le chercheur, de son côté, doit se rendre disponible, se montrer prudent dans ses propos et s’assurer que les travaux de ses équipes ne sont pas déformés ou excessivement vulgarisés. 

Pseudoscience

Un autre élément important à prendre en compte lorsqu’il s’agit de partager la recherche avec le public, est que, malgré tous les contrôles mis en place, les scientifiques sont humains et peuvent donc, comme tout le monde, faire des erreurs. Qu’il s’agisse de la personnalité, de la taille et des politiques de financement, de biais inconscients ou d’un simple manque d’intégrité, de nombreux éléments peuvent faire obstacle à la diffusion d’informations solides et précises. Un terme qui revient fréquemment dans les discussions sur l’intégrité scientifique est le terme de pseudo-science. Pour utiliser un terme assez courant de nos jours, la pseudoscience favorise la production de  “fake news” scientifique, et dans ce cas, « pseudo » est un terme grec dont le sens signifie littéralement « faux ». Malgré la praticité de ce terme et le consensus général, il faut toujours faire preuve d’une extrême prudence lorsqu’on l’emploie. Cela doit commencer par les scientifiques qui ont passé la majeure partie de leur vie d’adulte à apprendre à faire de la science. Ils devraient expliquer aux non-experts la démarche pour d’abord définir et ensuite reconnaître la pseudoscience. 

La différence majeure se trouve dans les règles de base, établies pour produire des travaux scientifiques rigoureux. La pseudo-science ne se base pas sur la méthode scientifique (Coker, 2003). Plus précisément, elle repose souvent sur une valeur subjective et part d’une hypothèse attrayante, dépendante des conventions arbitraires de la culture et non de faits, pour ensuite  chercher des éléments qui vont l’appuyer (Coker, 2003). C’est à dire que, même en respectant la structure classique d’un article, elle manque de preuves crédibles basées sur nos connaissances (objectives) de la nature et elle ne prend pas en compte la présence accablante des données contradictoires (Coker, 2003). En théorie, les différents processus mis en place avant la publication d’un article, et plus particulièrement l’examen par les pairs (Peer review), devraient poser une barrière sûre à la pseudoscience (Marcus & Oransky, 2017). La technique d’examen par les pairs existent en plusieurs formes, mais à terme, elle permet aux journaux/plateformes de solliciter 2-3 chercheurs possédant une expertise  dans le domaine traité, pour évaluer la qualité et la validité du papier qu’un scientifique souhaite publier. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas et qu’il s’agisse des journaux, des évaluateurs, ou des éditeurs, tous doivent être vigilants afin de ne plus donner une tribune à des idées non validées (Marcus & Oransky, 2017). Vous pouvez aisément utiliser Google et vous découvrirez qu’il existe une liste de sujets sur Wikipédia qui ont été identifiés comme étant des sujets de pseudo-sciences (List of topics characterized as pseudoscience 2020). Pourtant, même si toute personne bien informée peut facilement se rendre compte que certains sujets de cette liste ne sont certainement pas de la science, et comme l’a si bien dit Michael D. Gordin dans son livre Pseudoscience Wars : « Plus la science est attrayante, plus les gens aux idées peu orthodoxes veulent s’en inspirer, et plus l’appétit du public pour les doctrines ayant l’apparence de la science est grand » (Gordin, 2017). Cela signifie-t-il que toute idée non orthodoxe ou non conventionnelle est nécessairement fausse ? Absolument pas ! A commencer par le jeune Albert Einstein, jusqu’à des noms moins reconnus comme les lauréats du prix Nobel de 1975, David Baltimore, Howard M. Temin et Renato Dulbecco. L’histoire de la science nous offre une abondance de feuilletons où des gens brillants avaient des idées révolutionnaires mais qui étaient pourtant maltraités et dont l’intégrité scientifique était remise en question. Comme décrit Schopenhauer, lorsqu’une opinion devient générale, y adhérer est un devoir et on déteste les individus qui osent vouloir formuler leur propre jugement (Schopenhauer, 1830, stratagème XXX). Même à notre époque, on trouve des scientifiques, comme le Dr. Ruth Izhaki, qui mène des recherches sur la maladie d’Alzheimer et qui, tout en respectant les directives et les procédures scientifiques, a osé s’écarter de la norme, à créer des doutes sur la crédibilité et la validité de son travail (Begley, 2019). C’est donc de ça que l’on peut s’inspirer afin de mener nos réflexions. Ces exemples montrent qu’il s’agit non pas de s’arrêter à notre opinion sur le titre ou les résultats de l’article, mais de s’attacher à la méthode utilisée pour générer ces résultats. 

Toutefois, comme Michael D. Gordin, il est raisonnable de supposer que les personnes que l’on a appelées pseudo-scientifiques (que l’histoire leur ait donné raison ou non) ont pu se considérer comme de véritables scientifiques (Gordin, 2017). Ce fait ne signifie pas que tous ceux qui se sont trouvés dans cette catégorie sont des marginaux ou des pionniers non reconnus. Malheureusement, comme toujours il existe des charlatans et des opportunistes mal intentionnés. C’est pourquoi il est primordial de vérifier régulièrement nos sources et d’examiner toutes nos informations. Il s’agit là de communication et d’utilisation appropriées des outils modernes. Tout d’abord le public non-expert a besoin de clés pour évaluer la fiabilité de l’information et pour rechercher la validité d’une nouvelle hypothèse. Avec ces moyens, tout le monde aura la capacité d’appréhender quelles hypothèses sont majoritairement acceptées et quelles idées sont controversées, inexactes ou fausses. Il est évident que la science évolue tous les jours et que la recherche doit être constante. Mais si cela est fait correctement et que chaque personne qui crée un débat soutient la communauté scientifique et, à terme, écoute ses conclusions, des progrès personnels et sociétaux en la matière seront la récompense inévitable.

Biais cognitifs

Supposons maintenant que les problèmes mentionnés précédemment disparaissent. Une fois de plus, nous sommes des êtres humains, et que cela nous plaise ou non, la façon dont nous établissons nos croyances est biaisée. Dans ce cas, ce n’est pas toujours notre faute, mais il nous incombe d’évaluer nos comportements et de repérer ce qui peut nous empêcher de faire, d’écrire, de parler ou de diffuser la science. Qu’ils soient inconscients ou conscients, les préjugés et les biais cognitifs forment la façon dont nous voyons le monde et, par extension, la science.

Commençons par les biais cognitifs, et encore une fois, Wikipédia en possède une liste non exhaustive (“List of Cognitive Biases”, 2020). Pour le dire clairement, il est inévitable que cela ne soit pas une question d’intelligence ou d’éducation, mais simplement du fonctionnement de notre cerveau pour nous permettre de fonctionner et de penser clairement au quotidien (Benson, 2019). Vous pouvez penser qu’il est absurde que le conducteur de la voiture qui est votre corps prenne délibérément des virages faciles mais “déraisonnables” pour atteindre sa destination, mais si vous conduisez et que votre GPS vous dit qu’il y a un raccourci, ne le suivrez vous pas ?! Vous gagnerez probablement du temps et de l’énergie, et c’est exactement ce que fait votre cerveau. Selon l’auteur Buster Benson (Benson, 2019), il existe quatre principaux problèmes que les biais cognitifs aident à résoudre et voici comment il les a énumérés :

a. Trop d’informations

Votre cerveau choisit les informations qui sont susceptibles d’être les plus utiles, c’est-à-dire que nous remarquons de préférence des choses qui sont déjà amorcées dans la mémoire ou qui se répètent souvent, des choses bizarres/amusantes/visuellement frappantes/anthropomorphiques qui ressortent, des choses qui ont changé, des détails qui confirment nos propres croyances existantes, et nous remarquons des défauts chez les autres plus facilement que nos propres défauts.

b. Pas assez de sens

Le monde est très confus et nous devons donner un sens et une signification aux choses, c’est à dire que nous trouvons des histoires et des modèles même dans des données éparses, nous remplissons les caractéristiques à partir de stéréotypes, de généralités et d’histoires antérieures. Chaque fois qu’il y a de nouveaux cas spécifiques ou des lacunes dans les informations, nous simplifions les probabilités et les chiffres pour les rendre plus faciles à appréhender, nous pensons savoir ce que les autres pensent et nous projetons notre état d’esprit actuel et nos hypothèses sur le passé et le futur.

c. Nécessité d’agir rapidement

Nous sommes limités par le temps et l’information et nous ne pouvons pas laisser cela nous paralyser, c’est-à-dire que pour agir, rester concentrés, éviter les erreurs et faire avancer les choses, nous devons avoir confiance en notre capacité à avoir un impact sur notre environnement et à sentir que ce que nous faisons est important, nous préférons l’immédiat au lointain, nous sommes motivés pour mener à bien des choses dans lesquelles nous avons déjà investi du temps et de l’énergie, nous sommes motivés pour préserver notre autonomie et notre statut dans un groupe, ainsi que pour éviter les décisions irréversibles, nous privilégions les options qui semblent simples ou qui disposent d’informations plus complètes par rapport aux options plus complexes et ambiguës.

d. De quoi devons-nous nous souvenir ?

Une fois de plus, la pléthore d’informations est trop importante pour que nous nous en souvenions, aussi gardons-nous les éléments les plus utiles, c’est à dire que nous modifions et renforçons certains souvenirs après l’événement, nous éliminons les détails pour former des généralités, nous réduisons les événements et les listes à leurs éléments clés et nous stockons les souvenirs différemment en fonction de la façon dont ils ont été vécus.

 
Pouvez-vous imaginer ce que ces biais font à l’information que nous consommons ? Dans la recherche, malgré tous les freins et contrepoids qui sont en place, les biais peuvent très souvent et inconsciemment influencer la façon dont elle est menée. Le psychologue Brian Nosek a consacré sa carrière à cette question afin de créer une science plus transparente ou une « utopie scientifique » (Ball, 2015). Nosek et son collègue Jeff Spies ont créé l‘Open Source Framework qui permet essentiellement aux scientifiques de soumettre un plan de leur travaux en amont de leur réalisation (stage 1). Ils développent ensuite leurs projets respectifs et lorsque les résultats arrivent, ils confrontent leurs résultats aux hypothèses précédemment soumises (stage 2) (Ball, 2015). Cette façon de faire limite la présentation de résultats inattendus et « force » le scientifique à respecter son plan initial. Elle évite la partialité du raisonnement du scientifique puisqu’il ne change pas le projet en analysant tout différemment et en essayant de l’adapter à son idée originale (Ball, 2015). Est-ce la solution ultime? Nosek déclare que pour l’instant aucune affirmation ne peut être faite (Ball, 2015) bien qu’elle présente d’autres avantages. Et, même si la science “ouverte” n’a pas encore convaincu tout le monde (Hocquet, 2018; Swan, 2017), l’initiative de la commission européenne de lancer une nouvelle plateforme de science ouverte “Open Research Europe” montre que son développement est en bonne voie.

Processus d’enregistrement des rapports. Note. Figure extraite du site web des rapports enregistrés du Center for Open Science à https://cdn.cos.io/media/images/registered_reports.width-800.png

Enfin, je voudrais introduire brièvement le biais attentionnel. Ce type de biais fait partie des biais cognitifs mais il est judicieux de parler un peu plus de son impact. “L’attention est le processus cognitif qui consiste à se concentrer sélectivement sur une chose tout en ignorant d’autres choses. Elle désigne l’ensemble des mécanismes par lesquels le cerveau sélectionne l’information, l’amplifie, la canalise et approfondit son traitement” (Attention, 2020; Dehaene, 2020). La phrase « sélectionne l’information » implique qu’il existe un processus où notre esprit choisit une partie de l’information qu’il reçoit, se concentre dessus et finit par la stocker. Lorsque nous nous concentrons sur des tâches intellectuelles de cette manière, nous devenons aveugles aux autres situations ou informations et nous réduisons l’impact des informations jugées non pertinents (Dehaene, 2020). Ainsi, le biais attentionnel affecté par les facteurs sélectifs de notre attention peut être utile, comme pendant la conduite d’une voiture. Mais dans certains cas, il peut aussi nous empêcher de recueillir des informations essentielles comme par exemple lorsque l’on se concentre sur son téléphone en traversant une route. Quand il s’agit de la science, ces informations, même si elles sont parfois contradictoires à ce que nous pensons savoir, sont nécessaires afin d’ajuster le puzzle de nos croyances et de nos expériences.  

Toutefois, comme illustre la crise actuelle, nous ne pouvons pas nous permettre la mésinformation et, surtout, nous ne pouvons pas nous permettre de limiter les progrès et la portée de la science. D’abord en tant qu’individus, scientifiques ou non, et ensuite en tant que société, nous devons perpétuellement remettre en question les idées, les méthodes et les personnes, sans relâche et avec respect. Nous devons assumer notre responsabilité et nous interroger consciemment sur nos préjugés, accepter le jugement et la communication ouverte de notre travail et apprendre à évaluer et à interpréter ceux des autres. C’est seulement dans ces circonstances que nous pouvons espérer éviter la simplification excessive, discuter de manière productive des limites d’une étude, diminuer l’impact des biais et de la pseudo-science ainsi que sa visibilité, pour une science “sans limites”.

Pour plus d’informations sur:

  1. L’histoire des lauréats du prix Nobel 1975 : Écouter ce podcast par Malcolm Gladwell.
  2. Dr. Ruth Ithaki: Vous pouvez consulter l’article qu’elle a lutté pour publier ici et ses résultats ultérieurs ici.
  3. Brian Nosek and Jeff Spies et leur platforme lisez la pièce écrite sur natureindex.com l’article de Nosek sur psychological science ou leur plan stratégique.
  4. Michael D. Gordin et son livre et d’autres ouvrages relatifs, consulter University of Chicago Press.
  5. L’importance de la présentation/publication des résultats négatifs en science, consulter l’article de D.Mehta Nature Careers.
  6. Le processus de l’examen par le pairs vous pouvez consulter Elsevier.
  7. La science ouverte consulter le rapport de Business Science
  8. La guerre contre les mesinformations pendant la crise du Covid19, vous pouvez vous référez à cette article

Sources

Références :

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  2. Alonso García, Santiago, Gerardo Gómez García, Mariano Sanz Prieto, Antonio José Moreno Guerrero, and Carmen Rodríguez Jiménez. 2020. “The Impact of Term Fake News on the Scientific Community. Scientific Performance and Mapping in Web of Science.” Social Sciences 9 (5): 73. https://doi.org/10.3390/socsci9050073.
  3. “Attention.” 2020. ScienceDaily. March 28, 2020. https://www.sciencedaily.com/terms/attention.htm.
  4. Ball, Philip. 2015. “The Trouble With Scientists.” Nautilus. May 14, 2015. http://nautil.us/issue/24/Error/the-trouble-with-scientists.
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  6. Begley, Sharon. 2019. “How an Alzheimer’s ‘Cabal’ Thwarted Progress toward a Cure.” June 25, 2019. https://www.statnews.com/2019/06/25/alzheimers-cabal-thwarted-progress-toward-cure/?utm_source=ActiveCampaign&utm_medium=email&utm_content=Relieve+your+anxiety+by+taking+a+worry+break++%5BBest+Reads%5D&utm_campaign=Weekly+Digest+%28Jan+11%29.
  7. Benson, Buster. 2019. “Cognitive Bias Cheat Sheet.” Medium. October 11, 2019. https://medium.com/better-humans/cognitive-bias-cheat-sheet-55a472476b18.
  8. Bubela, Tania, Matthew C. Nisbet, Rick Borchelt, Fern Brunger, Cristine Critchley, Edna Einsiedel, Gail Geller, et al. 2009. “Science Communication Reconsidered.” Nature Biotechnology 27 (6): 514–18. https://doi.org/10.1038/nbt0609-514.
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  12. Doumont, Jean-Luc. 2010. “English Communication for Scientists: Unit 2.1 Scientific Papers.” 2010. https://www.nature.com/scitable/topicpage/scientific-papers-13815490/.
  13. Gordin, Michael D. 2017. “The Problem with Pseudoscience.” EMBO Reports 18 (9): 1482–85. https://doi.org/10.15252/embr.201744870.
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  21. “List of Topics Characterized as Pseudoscience.” 2020. In Wikipedia. https://en.wikipedia.org/w/index.php?title=List_of_topics_characterized_as_pseudoscience&oldid=946738205.
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  34. Swan, Alma. 2017. “Open Access and the Progress of Science.” American Scientist. February 6, 2017. https://www.americanscientist.org/article/open-access-and-the-progress-of-science.
  35. Tigre Moura, Francisco. 2017. “Don’t Worry! And Write the LIMITATIONS of Your Research!” July 25, 2017. http://liveinnovation.org/why-addressing-the-limitations-of-your-research-is-so-important/.
  36. “Vulgariser sans vulgarité.” 2017. July 11, 2017. https://www.etudiant.gouv.fr/cid118694/indesciences-vulgariser-sans-vulgarite.html.

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