L’abeille domestique, l’emblème de la biodiversité ?
Par Timothé Renard
Par Karine Da Silva Lages - Le 22 janvier 2015
Cet article est inspiré de la conférence « Lumière, canaux, action! La lumière pour contrôler l’activité des neurones » animée par Alexandre Mourot (chercheur au Laboratoire Neurosciences Paris Seine, UPMC) lors de Conf&Sciences 2014 organisé par Indésciences et la FNEB.
Depuis la nuit des temps, le cerveau est un objet de fascination pour les savants et les philosophes. Et pour cause, c’est une machine complexe : de nombreuses interactions ont lieu simultanément, des signaux de l’extérieur arrivent, d’autres voyagent à l’intérieur du cerveau et le cerveau, en réponse, intègre ces signaux et induit des réponses comportementales. Un des grands défis des neurosciences est de comprendre le fonctionnement de ce cerveau, les interactions qui existent entre les différentes parties et comment contrôler individuellement ces différentes parties du cerveau.
Dans ce dernier cas de figure, l’utilisation de la lumière est très intéressante. La lumière est un stimulus facilement contrôlable sur une surface et sur un laps de temps bien précis (ce qui est important quand on sait que l’influx nerveux ne dure que quelques millisecondes).
Un neurone est constitué de nombreux canaux ioniques qui permettent le passage d’ions à travers la membrane neuronale et ainsi la conduction de l’influx nerveux. Ces neurones et ces protéines ne sont pas photosensibles naturellement. Cependant, si le neurobiologiste est capable de photosensibiliser ces protéines membranaires et donc les neurones, il peut alors contrôler leur activité de manière très précise.
Les outils photochimiques pour contrôler les neurones
Une méthode est d’amener des canaux sensibles à la lumière dans les neurones. La Channelrhodopsine est un type de canal naturellement sensible à la lumière. Ce canal est composé d’un chromophore, le rétinal qui répond à la stimulation lumineuse en ouvrant le canal qui autorise alors le passage des ions. L’optogénétique permet d’amener cette protéine dans les neurones, cibler de manière génétique une population neuronale et ainsi rendre ces neurones sensibles à la lumière. Si ensuite ces neurones sont activés, il est possible d’induire une fonction à ces derniers.
Une autre méthode est de rendre photosensibles les canaux qui sont naturellement présents dans les neurones via deux techniques : l’optopharmacologie et la pharmacologie optogénétique.
D’une part, l’optopharmacologie est une méthode ayant pour but de rendre photosensibles les canaux natifs. Le principe est d’utiliser un agent pharmacologique, par exemple un bloqueur de canal, rendu photosensible par la fixation d’un chromophore : l’azobenzène. Ce chromophore existe sous deux conformations : trans (ou allongé) et cis (ou plié). Le changement de conformation de la molécule est induit par la lumière. Sous une lumière verte la molécule se retrouve dans une conformation « allongée » et l’agent pharmacologique bloque alors le canal. Une lumière violette change la conformation trans en cis ce qui empêche l’interaction avec le canal qui est alors actif. Ce processus est réversible (arrêt de l’exposition à la lumière violette ou ré-exposition à une lumière verte). En introduisant ces molécules dans les neurones , il est alors possible de réguler leur activité grâce à la lumière.
Un exemple d’application de ces molécules est la restauration de la vision dans le cas de dégénérescences rétiniennes. Dans la grande majorité des cas, ces dégénérescences sont dues à la perte des photorécepteurs et donc la rétine ne peut plus recevoir les signaux liés à la lumière. La rétine étant composée de plusieurs types de cellules neuronales, l’idée est de rendre photosensible ces cellules qui sont encore présents dans la rétine.
La mesure de l’activité électrique in vitro de neurones traités avec ces agents pharmacologiques montre que les neurones sont photo-sensibilisés puisqu’une une activité électrique est enregistrée en réponse à la stimulation lumineuse. In vivo le résultat est confirmé chez la souris : la molécule est injectée dans l’œil de modèles génétiques aveugles et la réponse à la stimulation électrique est observée par le comportement des souris. Dans une première expérience, la stimulation lumineuse est suivie d’un petit choc électrique. Si la souris été capable de percevoir le stimulus lumineux, elle l’associera au choc électrique et lors de la répétition de l’expérience suite au stimulus lumineux la souris va arrêter de bouger. L’apprentissage est très rapidement intégré chez une souris non aveugle, chez une souris aveugle non traitée il n’y a pas d’apprentissage, et une souris aveugle traitée révèle le même comportement que la souris de type sauvage. Il est donc possible de conclure que la rétine a retrouvé sa capacité à détecter la lumière, et à intégrer le signal au niveau du cerveau.
La pharmacologie optogénétique consiste à ré-ingénierer un canal pour le rendre photosensible. Un seul canal ionique est ciblé sur lequel une cystéine est installée. Sur la cystéine, qui a l’avantage d’être un acide aminé très réactif, un photoswitch est greffé covalemment. Le photoswitch présent à la surface de la protéine, sans interférer avec la fonction de cette dernière, va, par stimulation lumineuse, venir se replier sur la protéine et ainsi permettre l’ouverture du canal ionique.
Une application de cette méthode est l’étude du rôle de la sous-unité β2 des récepteurs nicotiniques des neurones de l’aire tegmentale ventrale réalisée au laboratoire d’Alexandre Mourot. Ces récepteurs sont liés à l’activité des neurones en mode « bouffée » : l’activation de ces récepteurs engendre beaucoup de potentiels d’action d’affilée. Ce mode de décharge libère une grande quantité de dopamine dans les structures cibles et dans un laps de temps très court. Cette dopamine joue un rôle central dans le système de récompense, et dans l’apprentissage par renforcement . Ce dernier est impliqué dans les phénomènes d’addiction notamment à la nicotine qui va activer ce système en « bouffée ». Quand on supprime ce récepteur dans le cerveau le neurone ne fait plus de « bouffée » donc il n’y a plus de système d’apprentissage par le renforcement. L’utilisation de récepteurs β2 photo-inhibables permet alors grâce à la lumière de contrôler l’activité de ce récepteur en empêchant la fixation du neurotransmetteur ou de la nicotine sur ce dernier. Les études comportementales pour vérifier si l’inactivation de ce récepteur est capable de supprimer ou inverser l’apprentissage par renforcement sont actuellement en cours en laboratoire.
– Le laboratoire Neurosciences Paris-Seine
– L’équipe Neurophysiologie et comportements
– Description d’Alexandre Mourot
– Nagel, Georg, et al. « Channelrhodopsin-2, a directly light-gated cation-selective membrane channel. »Proceedings of the National Academy of Sciences 100.24 (2003): 13940-13945.
– Boyden, Edward S., et al. « Millisecond-timescale, genetically targeted optical control of neural activity. »Nature neuroscience 8.9 (2005): 1263-1268.
– Lin WC., Davenport C.M., Mourot A., Vytla D., Smith C.M., Medeiros K.A., Chambers J.J., Kramer R.H. Engineering a light-regulated GABAA receptor for optical control of neural inhibition. ACS Chem. Biol., Just Accepted Manuscript. doi: 10.1021/cb500167u. Publication Date (Web): May 12, 2014.
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