Un petit pas pour l’homme, un grand pas pour les homininés.
Par Bourboulou Romain
Par Noé Bastard - Le 15 mars 2023
Publiés depuis plus de 80 ans, les comics de super-héros ont toujours eu une relation particulière avec la science. Les dessinateurs et scénaristes s’inspirent très souvent d’éléments scientifiques pour créer leurs personnages, quitte à prendre de très nombreuses libertés avec la vraisemblance. Il n’y a qu’à voir le nombre de héros ou de vilains dont les superpouvoirs ont pour origine un accident en laboratoire, des produits radioactifs ou une mutation génétique. Certains super-héros sont d’ailleurs des scientifiques réputés, à l’image de Hulk ou de Mister Fantastic.
Parmi toute cette galerie de personnages on va s’intéresser ici à « l’araignée sympa du quartier », j’ai nommé Spider-Man !
Tout le monde connaît l’histoire de Peter Parker, mordu par une araignée radioactive. Cet événement lui permet d’acquérir de nombreux super-pouvoirs arachnéens : force, résistance, agilité ou encore réflexes surhumains, mais également un sixième sens et la capacité de grimper sur toutes les surfaces. Mettons de côté le fait qu’en étant mordu par une araignée dans le monde réel, on risque juste d’avoir très mal. Dans cet article, on va essayer de décrypter les vrais super-pouvoirs des araignées qui ont inspiré Stan Lee et Steve Ditko, les créateurs de Spider-Man !
Grimper au plafond comme une araignée, c’est possible ?
L’une des capacités les plus célèbres de Spider-Man est de pouvoir grimper à la verticale sur tous les murs et plus généralement d’adhérer à toutes les surfaces, exactement comme le font les araignées.
Pour grimper au plafond, pas d’épilation !
Ces dernières ont opté pour une stratégie bien particulière : multiplier et miniaturiser la surface de contact avec ce qu’elles veulent escalader. Comme vous l’avez sûrement déjà observé, les araignées sont recouvertes de millions de « poils » ou « soies » que l’on appelle les trichobothries. Ces soies sont constituées de centaines de structures microscopiques appelées sétules. Plus vertigineux encore, chaque sétule est subdivisée en centaines de fibres plus petites nommées spatules. Les sétules mesurent quelques dizaines de micromètres et les spatules à peine quelques dizaines de nanomètres. La solution à l’énigme de l’extraordinaire adhérence des araignées est donc à chercher dans le domaine des interactions moléculaires !
En l’occurrence, ce sont les forces de Van der Waals qui sont à l’œuvre : ces interactions dites « faibles » s’exercent lorsque des atomes ou des molécules portant des charges électriques différentes se retrouvent proches les uns des autres. Petit rappel de cours de chimie : les électrons qui gravitent autour du noyau des atomes sont des charges électriques négatives. Leur nombre et leur disposition autour du noyau définit le caractère plus ou moins négatif de l’atome. Le schéma ci-dessous illustre le fonctionnement simplifié des forces de Van der Waals, mais vous pouvez retenir que plus les charges électriques des atomes sont différentes, plus ça colle entre eux !
Au vu du nombre colossal de spatules et sétules que possèdent les araignées, on comprend mieux l’efficacité avec laquelle elles filent le long du plafond lorsqu’on tente de les écrabouiller. Les forces de Van der Waals ne s’exerçant qu’à très courte distance, elles permettent aux araignées de pouvoir décoller facilement leurs pattes du mur malgré la solidité de leur adhérence.
Spider-Man ou Chewbacca ?
Mais alors qu’en est-il de Spider-Man ? Ça tombe bien, des chercheurs se sont amusés à faire le calcul ! Une équipe de l’Université de Cambridge a estimé le nombre de spatules et sétules que devrait posséder Peter Parker pour pouvoir escalader l’Empire State Building. On aurait droit à un super-héros très velu, puisque 40% de son corps devrait être recouvert de “poils” au minimum ! Dans cette optique, ces 40% sont bien évidemment en contact avec la surface escaladée : on peut dire adieu à l’image de l’homme-araignée qui grimpe en haut des gratte-ciels du bout des doigts. Reste également le problème du costume, et pas des moindres : comment peut-il coller si les sétules/spatules ne sont même pas en contact direct avec le mur ?
Peter Parker étant un scientifique brillant, on peut tout à fait imaginer qu’il se soit inspiré de cette capacité pour créer un costume encore plus adhésif que le dispositif impressionnant des araignées.
La véritable puissance des araignées :
Bien loin de la puissance colossale d’un Superman ou d’un Hulk, Spider-man est tout de même doté d’une force extraordinaire. Dans les comics, cette force est définie comme proportionnelle à celle des araignées, ce qui laisse penser qu’elles possèdent également une puissance surnaturelle.
Cette réputation n’est pas totalement infondée : certaines d’entre elles peuvent supporter jusqu’à 170 fois leur propre poids. A titre de comparaison, un homme de 80 kilos pourrait soulever un camion-benne de 13 tonnes. En réalité, il n’y a rien d’extraordinaire ou de surnaturel là-dedans : la raison de cette force herculéenne réside dans une loi physique établie par Galilée : la loi du square-cube.
Dans les grandes lignes, cette loi nous dit que lorsqu’un objet grandit son volume augmente plus vite que sa surface. Pour visualiser un peu, on peut prendre l’exemple d’un cube de 1 cm de côté. Les faces ont une surface d’1 cm2, et le cube a un volume total de 1cm3. Prenons ensuite un cube de 2 cm de côté. Désormais, la surface d’une face est de 4 cm2 alors que le volume du cube est de 8 cm3. Autrement dit, le volume a été multiplié par 8 et la surface seulement par 4 !
Or, le poids pouvant être porté par un objet est proportionnel à sa surface alors que son propre poids est proportionnel au volume.
Comme la surface et le volume ne sont pas proportionnels, un animal plus gros (et donc plus volumineux) aura moins de force (car proportionnellement moins de surface) qu’un animal plus petit ! Cela explique pourquoi un éléphant de 5 tonnes peut seulement soulever 10% de sa masse alors qu’une araignée peut supporter jusqu’à 170 fois son propre poids.
Un héros bien trop costaud pour sa taille
Si l’on en croit les comics, il semblerait que cette loi ne s’applique pas à Spider-Man. Bien qu’étant plus lourd qu’une araignée, le super-héros est en réalité 4 fois plus costaud : à titre d’exemple, il a déjà réussi à soutenir un avion de 57 tonnes à la force des bras. Avec une telle force, une araignée serait capable de soulever une bouteille d’eau de 1,5 L. Encore plus décevant, l’araignée qui a mordu Spider-Man est une araignée commune (Parasteatoda tepidariorum), qui est loin d’être l’araignée la plus forte du monde. On va supposer que la radioactivité fait des miracles.
Le sixième sens des araignées se trouve…dans leurs poils !
Dans les comics et les films, Spider-Man est doté de ce qu’il appelle le « spider-sense » qui l’avertit du moindre danger quelques secondes à l’avance, que ce soit une attaque directe ou un projectile. Couplé à ses réflexes surhumains, ce sens lui permet d’éviter un maximum de coups, bien pratique lorsqu’il est confronté à de nombreux ennemis simultanément.
Vous vous rappelez des trichobothries, les « poils » des araignées ? En plus de leur permettre de grimper au plafond, elles constituent un véritable sixième sens ! En zoomant un petit peu au microscope, on peut observer que ces structures émergent d’une cavité reliée à une fine membrane extrêmement flexible. Cette morphologie si particulière permet de stocker un maximum de cellules sensorielles au creux de la cavité, et assure une grande mobilité aux araignées.
Grâce au trichobothries, les araignées sont capables de détecter les micro-vibrations et les mouvements de l’air et ainsi de mieux se repérer dans l’espace. Les araignées ayant une très mauvaise vue, ce super-pouvoir leur permet d’éviter les obstacles, de trouver leurs proies, leurs partenaires sexuels ou encore de détecter leurs prédateurs à l’avance.
L’orientation spatiale, la taille ou la concentration des trichobothries sont des facteurs déterminant la qualité de l’information perçue par l’araignée. Par exemple, les plus courtes permettent aux araignées de mieux détecter l’accélération d’une proie ou d’un prédateur.
Les poils de nous autres mammifères, qui n’ont anatomiquement rien à voir avec ceux des araignées, sont également capables de réagir en fonction de notre environnement. Lorsqu’il fait froid ou que nous sommes exposés à un stress, nos poils peuvent se hérisser traduisant un état d’alerte. Ces facultés sont sans commune mesure avec celles des trichobothries qui fournissent aux araignées un véritable radar.
Ce n’est qu’une hypothèse, mais Peter Parker a peut-être subi une mutation au niveau de ses poils, transformés en trichobothries lors de la morsure de l’araignée. Encore un mystère caché derrière les exploits de l’homme-araignée !
Ce n’est pas pour rien si Spider-Man est toujours un des super-héros les plus populaires, 63 ans après sa première apparition dans les comics. Il fait partie de ces personnages aux caractéristiques plus humaines et résultant d’une volonté de réalisme, à l’image de ses pouvoirs inspirés par les véritables super-héroïnes que sont les araignées.
On peut donc saluer le travail de Stan Lee et Steve Ditko, même s’ils nous ont montré qu’un grand pouvoir implique souvent de prendre de grandes libertés avec la rigueur scientifique.
Noé Bastard
https://www.pestshero.com : « How much a spider can lift ? » https://heros-fr.fandom.com : « Pouvoirs et capacités de Spider-Man »
https://entnemdept.ufl.edu : « Common house spider »
https://iopscience.iop.org/ : Antonia B Kesel, Andrew Martin and Tobias Seidl ; « Getting a grip on spider attachment: an AFM approach to microstructure adhesion in arthropods »
https://www.youtube.com/watch?v=YxN7huwdS2k : « The Mysterious Way Spiders Can Walk On Walls And Why You Can’t »
https://www.youtube.com/watch?v=qoM17ikreio : « Small is Mighty: the Square-Cube Law »
https://onlinelibrary.wiley.com/ : EVOLUTIONARY MORPHOLOGY AND PHYLOGENY OF ARACHNIDA, Jeffrey W.Shultz in Cladistics, 1990.
https://link.springer.com/ : Trichobothria, Andreas Reissland & Peter Görner in Neurobiology of Arachnids
https://royalsocietypublishing.org : Dynamics of arthropod filiform hairs. II. Mechanical properties of spider trichobothria, Friedrich G. Barth, Ute Wastl, Joseph A. C. Humphrey and Raghuram Devarakonda in Philosophical transactions of the Royal Society in Biological Sciences, 1993
Toi aussi participe au blog !
ParticiperPar Bourboulou Romain
Par THIROUVENKADAM Tiffany
Par Jeanne Mialet-Perez
Par Thibaut Martinez