Des zetaoctets et du Cloud: Interview de Marcelo Dias de Amorim
Par Romain Durand-de Cuttoli
Par Lucie Steigleder - Le 11 février 2018
Lorsque l’on veut parler des femmes qui ont marqué l’histoire des sciences, Rosalind Franklin est généralement l’un des premiers noms évoqués.
Cette chimiste et cristallographe a joué un rôle majeur au milieu du XXème siècle dans la découverte de la structure tri-dimensionnelle de la double hélice de l’ADN, la molécule porteuse de notre information génétique.
Cette jeune femme, par sa passion et son investissement, a littéralement consacré sa vie à la recherche scientifique, sa vocation depuis son plus jeune âge.
Née le 25 juillet 1920 à Londres, dans une famille issue de la haute bourgeoisie juive britannique, elle affirme très tôt son ambition de se défaire des traditions familiales selon lesquelles les femmes se doivent de mettre leur bonne éducation au profit de diverses œuvres de charité.
Dès son plus jeune âge, elle fait preuve d’une « intelligence inquiétante » selon sa tante. Après avoir obtenu l’équivalent du baccalauréat avec un an d’avance et malgré les réticences de son père à voir sa fille entreprendre des études, elle réussit à intégrer le Collège Newnham de Cambridge. Cet établissement était à l’époque l’un des seuls du pays à accepter que des femmes soient scolarisées. Elle finit ses études avec les honneurs en étant seconde de sa promotion en 1941. Après des débuts peu épanouissants dans la recherche dans le laboratoire de Ronald Norrish, qui accordait peu d’importance à ses travaux car ils étaient réalisés par une femme, elle rejoint l’Association britannique de recherche sur l’utilisation du charbon au sein duquel elle soutient une thèse sur la chimie-physique des colloïdes organiques solides en 1945.
En 1947, elle décidera de s’expatrier en France et intègrera le Laboratoire central des services chimiques de l’État, où elle se perfectionnera dans la cristallographie, c’est-à-dire l’étude de la structure des molécules notamment par leur propriété de diffraction des rayons X. C’est à Paris que sa rigueur et son implication finissent par payer et qu’elle commence enfin à obtenir de la reconnaissance pour ses efforts. De nombreuses publications sur ses travaux, notamment dans la revue Nature, lui confèrent le statut d’experte dans ce domaine et attisent sa renommée mondiale.
Le retour en Angleterre et la désillusion
Elle choisit finalement de rentrer en Angleterre en 1950 après s’être vue proposer un poste au prestigieux King’s College de Londres. Elle y fait la connaissance de Maurice Wilkins, l’un de ses collègues biophysicien, pour qui elle éprouve une profonde antipathie réciproque. Il faut dire que leur rencontre ne s’est pas déroulée de la manière la plus plaisante : John Randall, le Directeur du Département de Biophysique, avait promis à Rosalind une place de chercheuse indépendante afin qu’elle puisse continuer ses travaux sur la cristallographie. Mais il avait en même temps sous-entendu à Wilkins qu’elle allait être son assistante, et n’a jamais réellement démenti ces propos par la suite.
Les deux chercheurs, qui s’intéressaient pourtant au même sujet, ne vont donc jamais travailler en collaboration. Une ambiance pesante de rivalité règne dans le laboratoire. Ambiance qui se retrouve aussi dans le reste des institutions du King’s College: les femmes savantes y sont encore mal acceptées, et le contraste avec la France qui a bénéficié de l’image influente de Marie Curie est d’autant plus difficile à vivre pour Rosalind. Elle ne parvient pas à s’intégrer dans la communauté scientifique britannique.
Elle continue malgré tout ses recherches et en 1952, son étudiant en thèse Raymond Gosling va réaliser la fameuse photographie 51, pièce maitresse à l’origine de la compréhension de la structure 3D de la molécule d’ADN. En effet cette image est révélatrice des caractéristiques structurales de l’ADN car elle permet d’observer une répétition régulière de motifs de 34 angström (unité de longueur de 0.1 nanomètre), ce qui correspond au pas de l’hélice.
Rosalind ne réalise pas tout de suite l’importance et la pertinence de ce cliché et préfère le laisser de côté, le temps d’obtenir plus de données exploitables. Très perfectionniste, elle voulait obtenir énormément de résultats et être certaine
de leur exactitude avant de les publier. C’est au cours d’une discussion entre collègues avec Wilkins que ce cliché tombe dans les mains de Francis Crick, un des meilleurs spécialistes des effets de la diffraction des rayons X et de son collaborateur James Watson, un jeune généticien. Les deux hommes utilisent des techniques de physique appliquées à la biologie, et ont pour objectif de réaliser une modélisation de la molécule d’ADN.
La photographie 51 leur permet d’émettre un nouveau modèle inédit : une structure en double hélice dont les bases azotées sont orientées vers l’intérieur de la spirale.
Ils publient leurs conclusions dans la foulée. Cette « course à la publication » s’est jouée de manière unilatérale, Rosalind n’ayant pas eu connaissance du fait que Watson et Crick aient vu ses clichés et encore moins qu’ils allaient les utiliser.
En mars 1953, lassée par le contexte trop difficile au sein du King’s College, elle quitte le laboratoire de Randall et rejoint le Collège de Birkbeck pour diriger seule une équipe de recherche sur la structure du virus de la mosaïque du tabac.
Son départ n’est donc pas conséquent à la publication en avril 1953 dans la revue Nature des prémices de la modélisation de l’ADN par Watson et Crick à partir de ses travaux.
Dans son nouveau laboratoire, elle continue sa carrière en cristallographie et ses travaux permettront par la suite de réaliser un modèle de la structure tridimensionnelle du virus de la mosaïque du tabac. La poursuite de sa carrière sera prolifique : en 5 ans, elle signera 17 publications et son collègue Aaron Klug recevra même le prix Nobel en 1982 pour des travaux qu’il avait réalisé en partie en collaboration avec elle.
Elle décèdera malheureusement le 16 avril 1958 à seulement 37 ans, à la suite d’un cancer des ovaires dont la cause est possiblement son exposition prolongée et peu précautionneuse aux rayons X. Son décès prématuré l’empêchera de connaître la reconnaissance mondiale qui lui aurait pourtant été due, et qui a été concédée à Wilkins, Crick et Watson en 1962 par l’attribution d’un prix Nobel.
L’histoire de Rosalind Franklin est peu connue en France en dehors du monde de la biologie. En Angleterre, depuis la parution en 1968 du livre « La double Hélice » rédigé par James Watson et dans lequel il dépeint le portrait peu élogieux d’une femme arrogante, laide et peu soignée, un vent de contestation s’est soulevé et de nombreuses voix se sont élevées pour défendre la scientifique. Elle a reçu de nombreux titres posthumes dont le prix Louisa Gross Horwitz en 2008 qui récompense les chercheurs ayant fortement contribué à l’avancée de la recherche fondamentale dans le domaine de la biologie ou de la biochimie.
Aujourd’hui, elle apparait encore comme un personnage particulier, tantôt froide, butée et antipathique, tantôt martyre devenue figure emblématique du féminisme dans le monde scientifique. Quoi qu’il en soit, ses travaux d’une extrême précision ont permis la réalisation de l’une des plus grandes découvertes technologiques du XXème siècle et l’établissement des bases de la virologie structurelle.
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