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Invisibilité : quand la fiction inspire la science

Par Clément Dufrenne - Le 18 novembre 2014

La cape d’invisibilité de Harry Potter, l’anneau de Bilbon, l’armure de Prédator… Nombreuses sont les fictions à avoir utilisé le phénomène de l’invisibilité. En tout cas, la fiction est peut-être à la base de la réflexion scientifique sur différents systèmes pouvant nous permettre de devenir invisible. Depuis quelques années, on remarque que les chercheurs sont en capacité de se rapprocher du phénomène de l’invisibilité, mais sous des conditions très contraignantes. En avançant dans le temps, ces contraintes sont de moins en moins contraignantes et nombreuses, nous permettant ainsi de nous rapprocher de la fiction.

La transparence, la base de l’invisible ?

Au concept d’invisibilité est lié celui de transparence. En effet, la transparence est la capacité d’un corps à se laisser traverser par de la lumière. Un corps 100% transparent est un corps qui serait indiscernable à l’oeil nu, ce qui n’existe pas actuellement. Pour nous permettre d’observer et de comprendre le phénomène de transparence, la lumière et le milieu sont donc deux facteurs essentiels. En replongeant dans les cours d’optique, on constate que ces deux facteurs sont réunis dans la loi sur la réfraction de la lumière appelée seconde loi de Snell-Descartes. Pour rappel, cette loi énonce que la lumière qui passe d’un milieu à un autre avec un indice de réfraction différent, voit sa direction de propagation modifiée selon les indices des deux milieux concernés.

Seconde loi de Snell-Descartes

Seconde loi de Snell-Descartes

Ainsi, l’invisibilité se traduirait par une absence de réfraction de la lumière, c’est-à-dire que l’angle d’incidence serait le même, comme s’il n’y avait pas “d’obstacle” : aucun changement de milieu et donc, de l’indice de réfraction. De plus, pour ne pas déceler les formes de la zone étudiée, il faut que cette zone dite “transparente” soit suffisamment homogène. Cette homogénéité permet à toutes les ondes, dont la lumière, de ne pas subir un décalage de leurs fréquences pour ainsi “sortir” de la zone à la même fréquence, évitant de subir le phénomène de dispersion.

Par exemple dans la nature, certaines méduses présentent une quasi-transparence puisque la lumière qui leur parvient n’est pas réfléchie. Pour autant, elles ne sont pas invisibles puisque leurs tissus n’ont pas le même indice de réfraction que le milieu extérieur, ce qui permet de distinguer leurs contours. Cette quasi-transparence est autant accentuée grâce au faible écart entre l’indice de réfraction de leurs pores et celui de l’eau, mais également par le fait qu’il y ait peu de lumière dans les profondeurs.

Ce phénomène de transparence peut-être également intéressant pour visualiser l’architecture cellulaire des organismes depuis l’extérieur. En se basant sur la méthode «Clarity» qui avait permis de rendre transparent un cerveau, l’équipe de Viviana Gradinaru de l’Institut de Technologies de Californie a réalisé l’exploit de rendre le corps d’une souris transparent. Pour cela, il a fallu plonger le corps dans un gel que se lie aux molécules biologiques, à l’exception des lipides. Ce gel, en se solidifiant, forme une matrice qui maintiendra la structure de l’organe ou du corps. Ensuite, placer notre objet d’étude dans une solution de détergeant va permettre au gel de pénétrer en profondeur dans les tissus par le système vasculaire au moyen d’une pompe. Cette méthode offre l’avantage de s’affranchir de l’électrophorèse tout en étant plus rapide que la méthode “Clarity”. Ainsi, après seulement deux semaines, le corps de la souris (avec la peau retirée préalablement) est devenu transparent.

 Pour en savoir davantage, lisez notre article sur la méthode “Clarity”.

Vers des systèmes rendant invisibles…

Pour revenir sur le phénomène d’invisibilité, on remarque à travers cette vidéo, la capacité d’un caisson pour dissimuler une personne. Le fonctionnement de ce caisson est plutôt lié à un «jeu de lumière» qu’à une avancée technologique. Si on étudie le fonctionnement de ce caisson, on remarque qu’il est inspiré des lois de Snell-Descartes. Le caisson est composé de deux couches de plexiglas remplies d’eau, la première couche dévie la lumière tandis que la second rétablit son angle d’incidence d’origine, créant ainsi une région non-visible.

Malgré le résultat, ce système connaît des limites puisque l’effet de transparence n’est visible qu’en observant le caisson de face.

Aujourd’hui, d’autres avancées ont vu le jour, dont celle réalisée par deux chercheurs de l’université de Rochester qui ont mis en place un système capable de masquer un objet à la vue d’une personne. Ce système d’illusion optique est composé de quatre lentilles dans lesquelles sera envoyé de la lumière permettant de créer une concentration puis une dispersion de celle-ci. La lumière se retrouvant ainsi bloquée va nous permettre de ne plus voir l’objet.

Pour le site Live Science, “les objets reflètent la lumière et d’autres ondes électromagnétiques, c’est grâce à cela que nos yeux les voient et que les radars peuvent déceler la présence d’avions et de bateaux”. Ainsi, pour que les ondes contournent les objets, l’étude et l’utilisation des métamatériaux plasmoniques ont été mises en avant. C’est grâce à ce type de matériaux disposé sous forme de sphère, pour être capable de couvrir tous les angles, que la réalisation de la cape d’invisibilité dans le domaine des micro-ondes a été possible. Les métamatériaux sont des matériaux artificiels et structurés, composés de résonateurs faits d’or ou d’argent. En modifiant les paramètres géométriques des structures qui les composent, on est en capacité d’ajuster l’indice de réfraction, avec des valeurs inférieurs à 1, ce qui leur permet de diffuser la lumière de façon contraire aux matériaux “classiques” (aluminium, fer…), d’où la réputation de matériaux «anormaux». La composition des métamatériaux leurs permet de présenter des propriétés qui ne tiennent pas à leur composition chimique, mais à leurs structures savamment calculées pour pouvoir modifier la trajectoire des ondes de manière inédite. En effet, les ondes incidentes ressortent du système selon une configuration identique à celle d’origine, sans aucun déphasage par rapport à une onde se propageant dans le vide, comme s’il n’avait pas contourné l’objet présent dans la «sphère». Cette zone est également appelée «trou noir électromagnétique».

L’utilisation des métamatériaux a permis la création d’une cape d’inivisibilité offrant la possibilité d’y “cacher” des objets, comme par exemple, un tube de 18 millimètres. Le problème est que le phénomène d’invisibilité de cette cape n’est pas observable dans le domaine du visible, dont les longueurs d’onde sont de l’ordre du micromètre (10-6mètres), mais uniquement dans le domaine des micro-ondes, c’est-à-dire avec des longueurs d’onde comprises entre 30 centimètres et 1 millimètre.

Dans l’attente de résultat dans le domaine du visible en 3 dimensions, on peut compléter l’étude dans le domaine de l’invisibilité par d’autres domaines puisque l’invisibilité est un domaine pluridisciplinaire. En effet, il existe diverses façons d’étudier l’invisibilité autre que par l’étude optique de la lumière. Ainsi, on peut étudier l’acoustique par le son, la mécanique par les vibrations et la chaleur par le gradient de température.

Actuellement, les systèmes utilisés avec les métamatériaux sont à l’étude dans le but de les utiliser en tant que barrière contre les séismes pour protéger les plates-formes pétrolières se situant en mer.

Sources

«Devenir invisible, c’est possible ?» – Todd – This is Magness

«La cape d’invisibilié d’Harry Potter : bientôt une réalité ?» – Cyril Coantiec – Le Figaro

«L’invisibilité : rêve ou réalité ?» – Conférence de presse 2012 – CNRS

«Et le corps devient transparent» – Jacques Abadie – La Recherche – Octobre 2014

 

Crédits photo : Flickr

Sources

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