Lunes de Saturne et projet Encelade
Par Bourboulou Romain
Par Pauline Granger - Le 31 juillet 2015
Vous, qui vous vous prélassez nonchalamment sur la plage avec comme seul objectif de tanner ce corps un peu trop pâle à vos yeux, ne vous êtes-vous jamais demandé comment vos amis estivaux : poissons, amphibies, voire même reptiles se protègent des UV ? Une bonne âme les enduit-elle de crème solaire ? Eh bien non ! Ces espèces animales s’affranchissent de tout cela car elles produisent elles-même leur écran solaire.
Algues, bactéries, champignons synthétisent de petites molécules qui absorbent les rayonnements ultra-violet telles que les MAAs (mycosporine-like amino acids) ou le gadusol.
En plus de fournir une protection contre les UV, le gadusol peut également jouer un rôle dans les réponses au stress, dans le développement embryonnaire, et comme antioxydant.
Jusqu’à une étude récente menée dans l’Université de l’Etat d’Oregon publiée dans eLife il y a quelques jours, on pensait que cette synthèse était uniquement possible chez les microbes et que ces derniers trouvaient les substrats du gadusol dans leur « alimentation ». L’équipe de scientifiques a montré que les poissons-zèbres pouvaient également produire du gadusol mais par une voie métabolique distincte de celle utilisée par les microorganismes pour la synthèse des MAAs.
La première enzyme impliquée dans la synthèse des MAAs par les micro-organismes est la dehydroquinate synthase, membre de la famille d’enzymes « sugar phosphate cyclase » catalysant la conversion de sucres en produits contenant un cycle cyclohexane.
L’équipe américaine a identifié dans le génome du poisson-zèbre une séquence très proche de celle du gène codant pour les enzymes « sugar phosphate cyclase ». Or, cette famille d’enzymes est normalement absente chez les organismes vertébrés. Le poisson-zèbre aurait-il l’appareil protéique nécessaire à la synthèse de molécules aux fonctions similaires aux MAAs ?
Pour vérifier cette hypothèse, les chercheurs, après avoir identifié un cluster de deux gènes codant respectivement pour les protéines « EEVS » et MT-Ox, ont fait exprimer le gène codant pour « EEVS » dans la bactérie Escherichia Coli en présence du substrat utilisé par les micro-organismes pour produire les MAAs. Le produit de la réaction contient un cycle cyclohexane : la protéine « EEVS » du poisson-zèbre appartient donc bien à la famille « sugar phosphate cyclase ». La protéine MT-Ox est mise en présence du produit de la première réaction et de cofacteurs. Le produit de la réaction est une molécule ultra résistante aux rayonnements UV : le gadusol ! Le mécanisme de biosynthèse de ce composé est ainsi identifié.
Après avoir démontré que le génome du poisson-zèbre possède les gènes codant les protéines permettent la synthèse du gadusol, l’équipe s’atèle à la prochaine question : le poisson-zèbre synthétise-t-il bien cette molécule ou la trouve-t-il dans son alimentation ? Ces gènes sont-ils exprimés ? La QRT-PCR (quantitative reverse transcription- polymérase chain reaction) permet de répondre à cette question. L’ARN correspondant aux protéines étudiées est rétrotranscrit grâce à la transcriptase inverse qui permet la synhèse d’ADNc. A partir de ces ADNc une qPCR – PCR quantitative ou dite en temps réel – est pratiquée. Le but est de quantifier, par amplification, une séquence d’ADNc spécifique, correspondant aux séquences ARN de nos deux protéines. Le résultat est concluant : les gènes sont exprimés dans les embryons de poisson-zèbre. Le gadusol est donc bien biosynthétisé par cet animal.
A la surprise des chercheurs, ce cluster de gènes protecteurs est retrouvé chez de nombreux oiseaux, reptiles, poissons et amphibiens, mais pas chez l’Homme ! Au grand bonheur des industries pharmaceutiques et de cosmétologie, ces gènes ont disparu de quelques branches de l’arbre phylogénétique. Reste à savoir pourquoi… En attendant que la science réponde à cette question, badigeonnez votre corps de crème solaire !
– Osborn A, Almabruk K, Holzwarth G, Asamizu S, LaDu J, Kean K, Karplus PA, Tanguay R, Bakalinsky A, Mahmud T. 2015. De novo synthesis of a sunscreen compound in vertebrates. eLife 4:e05919. doi: 10.7554/eLife.05919
– cours de M. Grenier (Université Paris Descartes) sur la régulation de l’expression des gènes
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